Auteur - Paul Bourget

  Les Auteurs Nelson

Paul Bourget

Amiens* 02/09/1852 - Paris 25/12/1935


Elu à l'Académie française en 1894
Collaboration à la Revue des 2 Mondes
Collaboration au journal l'Illustration
Collaboration aux Annales Politiques et Littéraires
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Biographie


Paul Bourget sur Wikipedia
La pensée politique de Paul Bourget

1926 : LE LIVRE DU JOUR : LA BARRICADE
Les Annales politiques et littéraires,1910/06/26, pages 626-627

M. Paul Bourget fait paraître en librairie son drame : la Barricade, qui fut un des grands succès de la dernière saison théâtrale. La pièce est augmentée de divers fragments supprimés à la représentation et accompagnée d'une préface, dans laquelle l'auteur expose son dessein, ses idées, et répond aux objections que suscita cette &œuvre pathétique et courageuse.., Nous en détachons un très intéressant passage :


LA GUERRE DES CLASSES

L'homme qui peine de ses bras et qui raisonne, de ce raisonnement de primaire que vous avez éveillé en lui ne voit dans le partage qui fait de lui un esclave de la besogne matérielle qu'une inégalité, et comme vous lui avez enseigné à traduire ce mot, non point par son vrai synonyme: variété, mais par son contresens: injustice, la distribution des classes lui apparaît comme souverainement injuste. Le voilà, le principe profond de la haine des classes dans notre société. Cette haine est en fonction de cette demi-instruction, de ce demi-éveil des facultés critiques dont notre civilisation s'enorgueillit, comme si la grande, la sublime intelligence populaire d'autrefois, n'était pas infiniment supérieure à la richesse de ses silences intérieurs, ses intuitions toutes voisines de la nature, ses magnifiques patiences qui assuraient la fécondité de l'avenir. Ces temps sont finis. L'homme qui travaille de ses bras a réfléchi. Il considère qu'il est le seul producteur. Il prétend que le produit de son activité lui soit attribué intégralement, et il s'organise en conséquence. La suppression de la classe possédante est au terme d'une pensée étroitement logique qu'il est trop tard pour endormir.

La vieille comparaison de Ménénius Agrippa, dont La Fontaine a tiré sa fable : les Membres et l'Estomac, n'a pas cessé d'être vraie. La guerre actuelle des classes, c'est proprement la révolte du muscle contre le nerf. Vous ne l'apaiserez, ni par la charité, — ces révolutionnaires n'en veulent pas, — ni par la justice, — la vôtre ne sera jamais la leur, tant que vous admettrez qu'un capital personnel, même le plus futile, peut être constitué, possédé et transmis. L'ouvrier et le patron le disent tous deux dans la Barricade, et dans les mêmes termes: — II y a la guerre entre les classes et la guerre à outrance, tant qu'il y aura des classes..., proclame Langouët. Et Breschard : — Mais ils n'en veulent pas, de ce rapprochement! Ce qu'ils veulent, c'est la guerre, et implacable... Maudissez une pareille situation. Flétrissez ce retour à la barbarie primitive. Je m'associerai à vous. Les malédictions et les flétrissures n'empêchent pas un fait d'être un fait. Celui-là en est un et indiscutable. L'auteur de la Barricade ne l'a pas créé en le reconnaissant. Peut-être a-t-il eu quelque courage à le poser dans sa cruauté, désolante, soit.

Où est-il écrit que toutes les vérités soient consolantes? Il en est de tragiques. Celles de la nécessité de la guerre des classes en est une. Toute la question est de savoir si elle est une vérité. J'ai reçu beaucoup de lettres d'ouvriers sur la Barricade. J'ai trouvé dans toutes la même note, cette colère, à base d'une très méprisable envie, mais trop naturelle, contre ce qu'une de ces épîtres appelle — vous reconnaissez la phraséologie déclamatoire de leurs journaux — « les vices, les tares, l’ énervement des capitalistes dégénérés qui ne se défendent que par l'incompréhension d'une partie du prolétariat trahissant ses frères ». C'est une faiblesse pour une classe privilégiée, qu’une partie de ses membres puissent mériter ces reproches. C’est une force au contraire, pour elle, d’avoir des m&œurs. Breschard a raison quand il se repent du scandale qu'il a donné.

Les vertus de famille sont des énergies de classe, comme aussi les vertus civiques. Se défendre, pour une classe, c'est encore montrer une entente sagace des intérêts de la collectivité. Si tous les Breschard avaient, depuis cent vingt ans, connu et pratiqué la vérité politique, ils n'en seraient point à s'écrier, quand sonne l'heure du danger : « Il y a pourtant une police, un gouvernement », et à s'entendre répondre : — Si peu!

Se défendre, pour une classe, c'est aussi man&œuvrer les passions de la classe adverse, et désarmer celles qui peuvent être désarmées. L'aristocratie anglaise a duré, parce qu'elle a su accepter, comme un des éléments de son recrutement, l'ambition des membres les mieux doués de la classe moyenne. Si la bourgeoisie française avait devancé certaines revendications de la classe ouvrière, en étudiant de près la situation vraie de celle-ci, elle serait, aujourd'hui, en meilleure posture, et surtout si elle avait maintenu, autour de ceux dont le déchaînement la menace aujourd'hui, une autre atmosphère d'idées. Les historiens de l'avenir n'en reviendront pas de constater qu'elle ait pu avoir, au service de la stabilité morale du pays, un outil aussi efficace que les congrégations religieuses et qu'elle l'ait volontairement brisé. Etre la plus forte, enfin, pour une classe, c'est intéresser la classe adverse, malgré elle, à la durée de ce qui est, par cet accroissement constant du bien-être général que procure une bonne gestion des affaires publiques et privées. Cette gestion peut être dure. Elle se doit d'être utile et que tous le sentent. Nous sommes loin de la théorie de la barre de fer et de l'appel aux « flics ». Nous sommes loin aussi de l'optimisme béat et de l'humanitarisme aveuli. Cette éducation par la résistance, dont M. Georges Sorel a signalé la possibilité et que j'ai essayé de montrer dans la Barricade, ne saurait s'accomplir qu'avec un triple sentiment: celui des devoirs de la classe à laquelle nous appartenons, mais aussi celui de ses droits, et celui de l'implacable hostilité de la classe qui veut déposséder la nôtre. Il y faut ce mâle sursaut que la bataille éveille dans les races encore capables de vaincre.

Taine a écrit sur les armées de la Révolution cette phrase profonde : « Elles furent ramenées au sens commun par la présence du danger. » C'est cette sensation du danger présent que j'aurais voulu donner dans la Barricade, sûr, si j'avais pu y réussir, d'avoir servi utilement ma classe et, par conséquent, mon pays.



PAUL BOURGET, de l'Académie française.

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