N° 002  - Général Comte Paul Philippe de SEGUR  - La Campagne de Russie.

La destinée de certains livres célèbres est aussi bizarre que celle de certains hommes illustres. La Campagne de Russie de Ségur en est un mémorable exemple. La publication de l'ouvrage en 1824 fut une date littéraire. Il eut d'innombrables éditions et fut traduit dans toutes les langues. Cinquante ans plus tard, en 1873, c'est-à-dire à une époque où le nom même de Napoléon était l'objet de l'exécration des Français, le vieillard nonagénaire fit paraître ses Mémoires en huit volumes, en y incorporant l'œuvre de sa jeunesse. Les Mémoires passèrent inaperçus au milieu de l'indifférence générale.

Les générations nouvelles qui se passionnent pour tout ce qui touche à Napoléon rendront justice à l'œuvre de Ségur et la remettront à son rang qui doit être le premier. La Campagne de Russie, narration par un témoin oculaire, aide de camp de l'Empereur, d'une des catastrophes les plus épouvantables de l'histoire, deviendra un des classiques de la littérature napoléonienne. Tels épisodes, l'incendie de Moscou, le passage de la Bérésina, sont d'une saisissante beauté. Car cet historien est un merveilleux écrivain. Le style a toutes les qualités que comporte le sujet, la vigueur, la concision, le nombre, le mouvement, l'ampleur. Un souffle d'épopée circule à travers les douze livres, il faudrait dire les douze chants qui divisent le récit, et de bons juges ont souscrit au jugement de Saint-René Taillandier dans son livre sur de Ségur: La Campagne de Russie est un des rares poèmes épiques de la littérature française.

Le général comte Philippe de Ségur nous raconte aussi les événements dont il a été le témoin. Ce n'est plus la narration fougueuse et désordonnée de Saint-Simon mais le récit académique et tant soit peu solennel, agrémenté de réflexions morales et philosophiques. Malgré son allure un, tantinet surannée, ce livre est d'une lecture facile et agréable : d'ailleurs, qui ne s'intéresserait à l'épopée napoléonienne évoquée par un témoin bien placé pour voir, - le général était aide de camp de Napoléon, - et doué d'un jugement sûr et éclairé ?

La campagne de Russie a été publiée en 1824 par le comte de Ségur, tandis que les autres chapitres de ses Mémoires devaient l'être seulement après sa mort, en 1873. Tout le monde connaît cette tragique aventure qui, dans la pensée de Napoléon, devait mettre le comble à sa puissance et à sa gloire :victime de son imprudence et peut-être aussi de sa santé déclinante, l'empereur a vu se fondre, jour par jour, dans une interminable et terrible retraite, les innombrables bataillons de la Grande Armée. Cette sombre tragédie, cette lutte âpre et désespérée contre les éléments vainqueurs, l'auteur a su en faire saillir le côté dramatique. A bien des points de vue, son œuvre est plus intéressante et surtout plus instructive qu'un roman.

Ces trois livres, écrits par un témoin oculaire des campagnes de l’Empire et aide de camps de l’Empereur, ont une valeur historique de premier ordre.

La campagne de Russie de Ségur est une édition abrégée de son ouvrage Histoire et mémoires L'édition Nelson reprend l'édition Didot à 3fr50