N° 004  -  Alphonse DAUDET  - Lettres de mon Moulin.

Ce livre est tiré en 9 cahier(s) de 32 pages il comporte donc un total de 288 pages
soit 283 pages de texte 5 page(s) en fin de livre.
Primo publication Nelson juin 1910
in-16, 1fr25, 61 rue des Saints-Pères,
253 +XX pp
Illustrateur inconnu jaquette non signée

-Liste de dos volumes à paraitre en 1910

N.B. : Jaquette non originale mais 1913
Primo parution des lettres de mon moulin

Alphonse Daudet nous apprend dans Histoire de mes livres que : « Les premières Lettres de mon moulin ont paru vers 1866 dans un journal parisien [L’Evènement de Henri de Villemessant] où ces Chroniques provençales, signées d'abord d'un double pseudonyme emprunté à Balzac « Marie-Gaston », détonnaient avec un goût d'étrangeté. Gaston, c'était mon cher camarade Paul Arène qui, tout jeune, venait de débuter à l'Odéon par un petit acte étincelant d'esprit, de coloris, et vivait tout près de moi, à l'orée du bois de Meudon. Mais quoique ce parfait écrivain n'eût pas encore à son acquit Jean des Figues, ni Paris ingénu, ni tant de pages délicates et fermes, il avait déjà trop de vrai talent, une personnalité trop réelle pour se contenter longtemps de cet emploi d'aide-meunier.

Je restai donc seul à moudre mes petites histoires, au caprice du vent, de l'heure, dans une existence terriblement agitée. Il y eut des intermittences, des cassures; puis, je me mariai, et j'emmenai ma femme en Provence pour lui montrer mon moulin. Rien n'avait changé là-bas, ni le paysage ni l'accueil. La vieille mère nous serra tous deux tendrement contre son petit châle à carreaux, et l'on fit à la table des garçons une petite place pour la novia. Elle s'assit à mon côté sur la plate-forme du moulin où la tramontane, voyant venir cette parisienne ennemie du soleil et du vent, s'amusait à la chiffonner, à la rouler, à l'emporter dans un tourbillon comme la jeune Tarentine de Chénier.

Et c'est au retour de ce voyage que, repris par ma Provence, je commençai au Figaro [16 octobre 1868] une nouvelle série des Lettres de mon moulin, les Vieux, la Mule du pape, l'Elixir du père Gaucher, etc., écrits à Champrosay, dans cet atelier d'Eugène Delacroix dont j'ai déjà parlé pour l'histoire de Jack et de Robert Helmont. Le volume parut chez Hetzel en 1869, se vendit péniblement à deux mille exemplaires, attendant, comme les autres &œuvres de mon début, que la vogue des romans leur fît un regain de vente et de publicité.

N'importe! c'est encore là mon livre préféré, non pas au point de vue littéraire, mais parce qu'il me rappelle les plus belles heures de ma jeunesse, rires fous, ivresses sans remords, des visages et des aspects amis que je ne reverrai plus jamais. Aujourd'hui Mont*** est désert. La chère maman est morte, les garçons dispersés, le vin de Châteauneuf rongé jusqu'à la dernière grappe. Où Miracle et Miraclet, Siblet, Mitifio, le Roudeïrou? Si j'allais là-bas, je ne trouverais plus personne. Seulement les pins, me dit-on, ont beaucoup grandi; et sur leur houle verte scintillante, restauré, rentoilé comme une corvette à flot, mon moulin vire dans le soleil, poète remis au vent, rêveur retourné à la vie. »


Parutions individuelles en chroniques dans les journaux :

Les Lettres de mon moulin ne sont pas les premières à être publiées sous forme de chroniques épistolaires, en 1865, Le moniteur universel du soir dirigé par Dalloz publie, de Daudet : Lettres sur Paris et Lettres du village



1. 1866-08-18 : De Mon moulin, Lettre à H. de Villemessant dans l’Evènement, sous le pseudonyme de Marie-Gaston, non reproduite dans l’édition originale.
2. 1866-08-23 : Il était un petit navire, dans l’Evènement, sous le pseudonyme de Marie-Gaston, non reproduite dans l’édition originale. Publié sous le titre Le Brise-Cailloux dans le volume de La Fédor chez Flammarion en 1897
3. 1866-08-31 : L’Arlésienne, dans l’Evènement, sous le pseudonyme de Marie-Gaston
4. 1866-09-07 : Nostalgie de caserne, dans l’Evènement, sous le pseudonyme de Marie-Gaston
5. 1866-09-14 : La Chèvre de monsieur Seguin, dans l’Evènement, sous le pseudonyme de Marie-Gaston
6. 1866-09-21 : Le livre de l’hiver prochain (Le poète Mistral), dans l’Evènement avec rajout de la signature Alphonse Daudet.
7. 1866-09-29 : L’homme à la cervelle d’or, dans l’Evènement, signée Alphonse Daudet ainsi que toutes les suivantes.
8. 1866-10-07 : L’agonie de la Sémillante, dans l’Evènement
9. 1866-10-13 : Le sous-préfet aux champs, (ballades en prose 2), Suivie de Le petit dauphin est malade (La mort du dauphin, ballades en prose 1), dans l’Evènement
10. 1866-10-20 : Le secret de maitre Cornille, dans l’Evènement
11. 1866-10-28 : Le sermon de maitre Martin, curé de Cucugnan, dans l’Evènement
12. 1866-11-04 : La Vie et la mort du papillon, lettre à Georges Sand directeur du théâtre de Nohan, dans l’Evènement [L’Evènement cesse de paraitre le 15 novembre 1866, pour se fondre avec Le Figaro dont Henri de Villemessant prendra la direction.]
13. 1868-10-16 : Installation et La diligence de Beaucaire, dans Le Figaro pages 1 et 2
14. 1868-10-23 : Les vieux, dans Le Figaro page 2
15. 1868-10-30 : La mule du pape, dans Le Figaro page 2
16. 1868-11-17 : Le portefeuille de Bixiou, dans Le Figaro, page 2
17. 1869-08-22 : Le phare des Sanguinaires, dans Le Figaro, page 2
18. 1869-08-25 : Les deux auberges, dans Le Figaro, page 2.
19. 1869-10-02 : L’élixir du révérend père Gaucher, dans Le Figaro, page 2.

20. 1864 : A Milianah [inspirée de La petite ville publiée en 1862][publiée en 1864 dans La Revue nouvelle]
21. 1873 : Les étoiles, publiée dans Le Bien public et dans Robert Helmont en 1874
22. 1873 : Les douaniers, publiée dans Le Bien public et dans Robert Helmont en 1874
23. 1873 : Les sauterelles, publiée dans Le Bien public et dans Robert Helmont en 1874
24. 1873 : En Camargue, publiée dans Le Bien public et dans Robert Helmont en 1874
25. 1873 : Les oranges, publiée dans Robert Helmont en 1874
26. 1875 : Les trois messes basses venue des Contes du lundi

Parution en volume

1869 : Hetzel édition originale, in-18, pas de tirage sur papiers de luxe, Prix 3francs Les lettres soulignées ne furent pas reprises, parmi les autres certaines furent reprises avec variantes, enfin les lettres que nous avons numéroté de 20 à 26 ne figurent pas dans cette édition originale de 1869. Eles n'apparaitrons que dans l'édition définitive.
1879 : Edition Lemerre,édition définitive, 256pp
1887 : Edition Charpentier, 332pp
1910 : Edition Nelson, 253pp, reprise de l'édition originale avec une introduction de Charles Saroléa
1930 : Œuvres complètes Edition ne varietur, tome IV, Librairie de Fance, 212pp.

Qui a écrit les lettres de mon moulin ?
Cet article, intitulé: Pour un fait personnel, parut, sous la plume de Paul Arène dans le Gil-Blas du 16 décembre 1883.

A Alphonse Daudet,

« Oui, mon cher Daudet, « Pour un fait personnel, » comme à la Chambre !... Mais qui diantre nous aurait dit, quand il y a quelque vingt ans, par une saison, s'il t’en souvient, toute pareille, nous courions les bois de Meudon, récitant Mistral et Théocrite, et foulant aux pieds avec une royale insolence, ainsi qu'un tapis de craquantes orfèvreries, les bruyères revêtues de cristal et les gazons raidis sous leur couche de blanche gelée, qui nous aurait dit qu'un beau jour, devenu illustre, on t'accuserait de plagiat

Et qu'à moi l'on ferait ce redoutable honneur de m'attribuer la paternité de tes &œuvres ?... « Tout arrive pourtant et ceci est arrivé. De sorte qu'aujourd'hui, en place de l'historiette préparée, je vais parler de moi, ennuyeuse besogne, et de toi en même temps, ce qui, par bonheur, apporte quelque atténuation à mon ennui.

Au fond, je t'en veux, mon cher Daudet. Je t'en v>eux de n'avoir pas protesté d'abord, dès la première insinuation, les premiers bruits sournois qui t'en sont revenus, sans attendre la nécessité où se trouve réduit ton vieil ami d'appeler au secours et de crier à la garde.Te rends-tu compte de ma situation si, par insouciance ou dédain, tu laissais la légende s'accréditer?...Car elle n'y va pas par quatre chemins, la légende !...C'est moi, .parait-t’il, moi Paul Arène qui ai écrit, tranquillement, à mes heures perdues, tout ce que tu as signé de ton nom d'Alphonse Daudet. De braves gens me l'ont soutenu, accueillant mes dénégations d'un sourire qui prouvait combien sur ce point ils étaient mieux renseignés que moi.

[…] A quoi me servira d’avoir tant travaillé pour reconquérir dans le monde littéraire la réputation d’un paresseux ?... C’avait été long, mais enfin j'arrivais au but; et, me consolant par des paradoxes esthétiques de ce qui n'est peut-être qu'une particularité de mon tempérament, répétant après Gautier que souvent les médailles et les bijoux subsistent lorsque les palais ont péri avec leur peuple de statues, je burinais de tout petits sujets avec soin, et je n'en faisais qu'à ma guise; et personne ne me demandait de gros livres.

Patatras!... voilà que tout s'écroule, voilà le fruit de tant d'efforts perdu ! Et tu vois d'ici rédacteurs en chef et éditeurs, Dumont, Lemerre et Charpentier, et les Dumont de Saint-Pétersbourg, et les Lemerre de New. York, et les Charpentier de Londres, en train de se battre sur mon palier, autour du cordon de ma sonnette, pour obtenir de moi, au prix de fabuleuses sommes, quelque chose dans le genre de l'Évangéliste et du Nabab;c'est pourquoi, Daudet, je t'en supplie, au nom de notre affection déjà vieille et que rien n'a su entamer, viens à mon aide, montre-toi et crie: « Me, me, adsum... c'est moi le coupable; c'est moi seul qui fais mes romans, nous vous le jurons par tous les dieux, mais laissez Arène tranquille. »

Tous ces ridicules ragots que tu as certes le droit de mépriser, mais dont il me déplairait fort en me taisant de paraitre complice, ont pour point de départ le fait nullement mystérieux que jadis, à ce moment .de vie commune rappelé au commencement de l’article, et quand nous essayions d’acclimater les cigales provençales sur les boulevards du Val-Fleury, on nous vit, pour les Lettres de ton moulin, quelque temps travailler ensemble.De ton moulin ! car le moulin t'appartient sans conteste et, si nous en avons rédigé à deux l'acte d'acquisition, c'est bien toi qui l'avais découvert dressant au grand soleil, sur une colline aux herbes grises, parmi les pins et les chênes verts, son toit croulant et ses ailes démantelées, et c'est bien à toi seul que, par devant le notaire de Pampérigouste, le sieur Mitifio l’a vendu.

[…]Mais de là à laisser dire ou croire que les Lettres de mon moulin sont de moi, il y a une légère nuance, et puisque, en notre siècle enragé d'exacts documents, il faut mettre les points sur les i et parler par chiffres, établissons, une fois pour toutes et pour n'en plus jamais parler, qu'en effet, sur les vingt-trois nouvelles conservées dans ton édition définitive, la moitié à peu près fut écrite par nous deux, assis à la même table, autour d'une unique écritoire, joyeusement et fraternellement, en essayant chacun sa phrase avant de la coucher sur le papier. Les autres ne me regardent en rien, et encore. Dans celles qui me regardent un peu, ta part reste-t-elle la plus grande, car si j’ai pu y apporter, du diable si je m’en souviens, quelques détails de couleur ou de style, toi seul, toujours, en trouvas le jet et les grandes lignes.Excuse, mon cher Daudet, la longueur de mon épitre; mais il était grand temps de préciser tout cela, car la prévention, même en littérature, amène parfois d'étranges erreurs. Voici ce qu'imprime à notre endroit, dans les Grimaces, M. Octave Mirbeau, un délicat et curieux styliste qui n'a pas l'air de t'aimer fort mais qui doit s'y connaître en style:
« Ce qui prouve mieux encore que M. Paul Arène est le véritable auteur des Lettres de mon moulin, c'est la langue en laquelle ce livre est écrit, une langue claire, pittoresque, pétrie d'azur et de soleil, qu'on retrouve partout, dans les plus menues &œuvres de M. Paul Arène, et qu'on chercherait vainement dans celles de M. Alphonse Daudet. »

Le jugement est des plus flatteurs ; mais hélas, la main sur la conscience, et monsieur Mirbeau n’y contredira point, il me semble bien de l’avoir trouvée, cette langue, dans En Camargue, par exemple, dans Milianah, les Sauterelles, les Oranges, les Trois Messes basses, l’Elixir du père Gaucher et autres Lettres de mon moulin, qui te sont certainement personnelles, puisque, il faut que je le confesse, je les ai lues ce matin pour la première fois.
Passe chez moi un de ces jours, car il y a bien longtemps qu’on ne s’est vu, et en attendant : A l’amitié ! comme disent les gens de chez nous lorsqu’ils trinquent.

L'avis de Jules Valles dans La Rue du 21 decembre 1879

[...] Puis vinrent les Lettres de mon Moulin. Tant pis si les rigides et les héroiques m'en veulent, mais je dois bien dire que quelques unes de ces lettres me firent venir des larmes douces dans les yeux, non pas celles qui prenaient des formes de fables ou d'apologue, Chanson de Sous-Prefet ou autres, mais celle où tintait tremblante la voix des Petits vieux, celle où grelottait la chanson de L'Auberge abandonnée,celle où le vent grondait autour du Phare des Sanguinaires...Que de bruits doux ou profonds!


Notice publicitaire par Charles Saroléa 1910

L'art de conter est un art tout français et en France nui n'excelle dans cet art comme les Méridionaux, et parmi les méridionaux nul conteur n'a atteint la maitrise d'Alphonse Daudet, et parmi les &œuvres de Daudet nulle n'est comparable aux Lettres de mon moulin. Les Lettres de mon moulin, c'est la Provence tout entière, son atmosphère, sa lumière, sa couleur, ses parfums, la Provence d'aujourd'hui et la Provence du bon Roi René et la Provence des Papes, le plus beau royaume que Dieu ait jamais créé, après son royaume du ciel. Les Lettres de mon moulin, c'est surtout I ‘âme provençale, l'esprit de la race, ses qualités et ses défauts, ses souvenirs et ses traditions, son imagination exubérante, sa faconde, sa gaité pétillante et, tout à la fois, sa mesure, sa sobriété, son eurythmie classique. Ce livre si provençal, si original, si plein de couleur locale, écrit par le compatriote de Tartarin et de Mistral, est devenu le livre de tous les âges et de tous les pays, délice des enfants, régal des vieillards, livre vraiment classique et universel.


L'avis de la critique bien pensante de l'époque en 1911

*Les romans à portée morale ou sociale ne sont pas les seuls qui aient droit de cité dans la collection Nelson, l'éditeur a su faire place aux auteurs sans prétention qui n'ont d'autre but que de conter agréablement et de procurer une délicate jouissance à leurs lecteurs. Il n'est pas besoin de louer le charme inimitable des Lettres de mon moulin. Qui n'a lu au moins quelques-uns de ces contes ou de ces tableautins d'Alphonse Daudet où l'on entend le chant des cigales provençales et où l'on respire le parfum pénétrant de la farigoule et du romarin ? Jamais province n'a trouvé plus merveilleux interprète de sa beauté. On peut toutefois reprocher à Daudet quelques contes assez lestes comme La diligence de Beaucaire ou quelque peu irrévérencieux à l'égard du catholicisme comme La mule du Pape ou L'Elixir du Père Gaucher. Mais ces quelques taches sont peu sensibles et, dans l'ensemble, le livre est inoffensif à peu près pour tous.


P. Bruno, in.Romans-Revue 1911/05/15

Résumé catalogue Que faut-il lire ? Nelson 1923

Ce livre contient la Provence tout entière, son atmosphère, sa lumière, sa couleur, ses parfums, la Provence d’aujourd’hui et celle du bon roi René et des papes. Mais si vif que soit l’intérêt régional de ce livre, c’est par le seul mérite de son style qu’il est devenu l’un des ouvrages les plus populaires de la littérature française contemporaine.



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